demeure des transats. Lecture, discussions en regardant le mer, balades en long et en large, vers la proue surtout : ça reste fascinant de fendre cet Océan. Pas fatigant. D’ailleurs, que fait-on de nos journées sinon se reposer, se balader, admirer le ciel et la mer, scruter l’horizon et la surface dans l’espoir d’un animal… Puis manger, lire, jouer aux dés. Les journées passent vite, et nous n’avons pas une minute pour nous ennuyer, encore. La routine du bord s’est insinuée en nous, nous retrouvons les impressions immémoriales des longues traversées, à l’époque où tout devrait aller vite ! Il faut dire que quatre mois de pérégrinations ininterrompues et souvent inconfortables nous avaient fait aspirer à un peu de tranquillité. On reprend même du poids ! Notre ami Patrocle (il faut le faire, moi qui, enfant, admirait tant Achille !), le radio, était de bonne humeur aujourd’hui : plus de réflexions désabusées sur les bienfaits du nazisme {son pays sortait à peine de l’épisode dramatique « des colonels »}, il chantait, nous donnait des conseils de diététique pour conserver la ligne, faisait de haltères sur le pont pour garder la forme… de ses 52 ans ! {Bizarre, nous écrivions ça à 25 ans, et 52 nous semblait inaccessible… aujourd’hui…}. A la proue, le sémillant {Martine a écrit ça ; je ne me souviens pas qu’il fut « sémillant » !} chef ingénieur {traduit de l’américain : qu’est-ce en français ?} nous initie aux arcanes du maniement des ancres et de leurs gigantesques chaînes. Tous ces marins avec qui discute Gérard parlent du navire, de leurs précédents voyages, et des fortunes de mer : tempêtes, accidents… {Le chef me raconte un changement de roue de réducteur en plein Atlantique : la pièce maîtresse, cassée, est une roue dentée de deux mètres de diamètre, pesant deux tonnes, que l’on peut manutentionner à l’aide d’un treuil dans la salle des machines. Inutile de décrire le danger de l’opération, avec ce balancier agité par le roulis du navire immobile, et qu’il faut maîtriser à la main et positionner avec précision… Le navire conçu pour les océans est sensé faire face à toutes les avaries courantes : l’ingénieur me montre les vérins permettant de soulever les arbres d’hélices (40 cm de diamètre et 30 m de long) pour permettre de remplacer les paliers de bronze qui les supportent. Je voudrais bien voir ça.} Pas la moindre tortue, pas le plus petit dauphin, aujourd’hui. Mais de myriades de poissons volants apeurés par le grand navire, et deux pétrels perdus dans l’immensité de la mer. Impressionnant ! Samedi 14 février, à bord de Letitia, Gérard Les jours passent en effet étonnamment vite, et sur l’immense carte, don de Patrocle, le fanion qui figure notre bateau avance lentement mais inexorablement. Jamais encore dans notre vie nous n’avons été si long de tout ; « thousands miles from nowhere » comme on dit ici. Encore deux ou trois jours pour arriver en vue de « Christmas Islands », grains de sable sur notre mappemonde, qui est à la longitude d’Honolulu. J’ai parfois mal au ventre, et ça m’inquiète un peu : que fait-on en cas d’appendicite, n’est-ce pas ? (Il n’y a pas de médecin ni de bloc opératoire à bord…) Le commandant me dit que dans ces cas là, on cherche si un navire de l’US Navy rôde dans le coin. Mais « le coin » est large, et il faut souvent plusieurs jours voire davantage pour obtenir de l’aide… Les marins me citent des cas connus : abcès dentaire…L’officier du quart après- midi, celui qui s’attend à chaque instant au début de la 3° Guerre Mondiale, me file tous les jours le relevé de navigation. J’ai l’impression qu’ils se plantent de temps en temps et que ça ne les préoccupe pas trop : il y a de la place pour manœuvrer ! Le soir, on discute longuement avec le
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